Les grands photographes
Les photographes célèbres contemporains qui ont marqué leur époque et ces deux derniers siècles.
Les maîtres, célébrités et les grands noms de la photo d'art noir et blanc ou couleur inspirent tous les amateurs. On essaie de les copier avec désespoir, en attendant de trouver son style.
En ces jours mémorables...
En ces jours mémorables de 1822, un paisible et génial inventeur, dans son petit laboratoire de Chalon-sur-Saône, savait déjà emprisonner l'image de la nature sur une plaque de métal sensible à la lumière. De l'huile de lavande, du bitume de Judée, une pose de plusieurs heures dans une chambre noire, c'était en fait, un dérivé de la lithographie et de l'héliographie; mais c'était aussi la naissance de la photographie. Le CNDP http://www.cndp.fr/ relate par un film l'invention de la photographie par Daguerre..
On conçoit aisément que le fait de retenir l'image fugitive d'un moment volé au temps ait incité le célèbre photographe Nicéphore Niepce à améliorer son expérience, tandis que d'autres chercheurs isolés appronfondissaient le sujet.
Plusieurs d'entre eux, plus tard, apportèrent d'ingénieuses solutions aux problèmes de la technique de base, mais déjà le très connu artiste photographe Louis-Jacques-Mandé Daguerre, qui devait à son Diorama une certaine célébrité, avait une idée nouvelle.
L'association des deux hommes devait être fructueuse. Il est toujours permis de se demander si la mort prématurée de Niepce n'a pas favorisé le succès immédiat de la daguérréotypie, car, si Niepce était un technicien, Daguerre, lui, était un peintre, un célèbre portraitiste.
Sans doute, ses clients s'intéressèrent-ils plus au résultat obtenu qu'au procédé perfectionné qui le conduisit aux honneurs de l'Académie des Sciences: plaque de métal argentée, iodure d'argent à la place du bitume de Judée, exposition à la lumière du soleil tandis que des vapeurs de mercure dessinent, en clair, l'image positive du modèle. Mais s'il fallait à Niepce une journée pour effectuer une épreuve, il suffisait à Daguerre de quelques minutes pour stabiliser cette image, et quelle image ! fine, douce, très fidèle, enthousiasmante !
Bien sûr, le modèle devait s'asseoir dans un fauteuil que les caricaturistes de l'époque s'entendirent à ridiculiser. Le soleil de l'été pouvait l'obliger à fermer les yeux et l'immobilité absolue était de rigueur pendant quinze à trente minutes. Mais ce temps était finalement relativement court, comparé aux longues séances de pose chez le peintre.
Qu'y perdait-on ? Les fantaisies des artistes et leur don naturel pour remédier aux défaillances esthétiques, mais aussi leur incontestable talent, bien sûr, pour ceux que la gloire avait consacrés, et puis la couleur, quoique certains daguérréotypes coloriés aient été très attractifs et se soient parfaitement conservés.
Qu'y gagnait-on ? Sans doute les véritables traits du visage, même si, parfois, le regard était absent ou l'expression figée; et puis, c'était le miracle des temps modernes qui faisait son chemin, aussi bien de bouche à oreille, que sur les enseignes des boutiques. La photographie prenait le relais de la peinture dans le domaine du portrait.
Dans le même temps, Hyppolyte Bayard "fabriquait" lui aussi des dessins photogéniques qui firent l'objet, à Paris, de la première célèbre exposition photographique du monde. Il y avait là, outre des paysages et des natures mortes, des personnages assis dans leur jardin ou debout devant leur fenêtre. Mais que pouvait une simple épreuve en papier contre un riche daguérréotype présenté dans un cadre précieux ? Bayard dut se contenter de la légion d'honneur, non sans avoir donné au monde sa première leçon de photographie composée, porteuse d'un message. Il fit, en effet, de lui-même une prise de vue le représentant en noyé et à demi-nu. L'image était légendée par une lettre où l'humour noir trahissait l'amertume.
Cependant, la marche triomphale de la photographie fait d'autres adeptes. Des visages apparaissent en négatif, en positif, sur papier puis sur plaques de verre. Calotypes, ambrotypes font un cortège royal à la grande découverte du 19eme siècle.Tandis que Niépce de St-Victor, Scott Archer et Maddox perfectionnent les procédés, certains peintres se transforment en "Rembrandt de la Photographie". Si Talbot a le mérite de nous montrer son atelier avec un modèle en situation, David Hill, lui, passe vite maître dans l'art du portrait d'art. 474 ecclésiastiques écossais en colère contre l'église anglicane n'y sont pas étrangers. Hill, aidé de Adamson, réunit en un immense tableau leurs visages "calotypés". Dans les portraits qui sont à l'origine de sa renommée, on sent qu'il a voulu, avant tout, donner aux gens sérieux une attitude naturelle : assis, bien sûr, mais avec une occupation favorite, une pipe, un livre, une plume. Tandis que Régnault est sensible au charme de la famille, Brady, lui, se penche sur la dure réalité de la guerre civile américaine, et Nègre part à la recherche de la vis sociale de l'homme de la rue, dans Paris, comme le fait aussi le photographe très connu Jean-Eugène Atget.
C'est déjà de la photographie documentaire. L'image de l'homme qui n'a pas posé est une preuve irréfutable de son milieu, de son époque. C'est Gardner qui saisit la silhouette de Lincoln après la cuisante bataille d'Antiétam et Hine qui surprend la détesse dans les yeux des émigrants italiens aux Etats-Unis. C'est Stieglitz qui édite la première revue photographique pour donner mauvaise conscience à ses contemporains. L'image des hommes parcourt le vaste monde, bousculant les idées, frappant le conformisme, parlant de vérité. Le reportage photographique est né.
La technique ayant acquis ses lettres de noblesse, vint un homme qui comprit l'intérêt qu'il y avait à nous laisser un portrait des pesonnalités de son époque. Il s'efforça de les réunir dans une sorte de panthéon; c'étaitFélix Tournachon, dit Nadar, médecin, astronome et dessinateur. Ces diverses formations eurent-elles une incidence sur son talent de photographe portraitiste ? Ou bien son sens des affaires lui dicta-t-il le moyen d'apprivoiser le Gotha ? Certains de ses portraits ont été immortalisés dans les livres; d'autres sont pratiquement inconnus; d'autres encore ont le mérite de nous confronter à la mode de l'époque des photographes célèbres et célébrités du 20eme siècle. Mais, autant les portraits de Nadar reflètent le calme et la bonne humeur, autant ceux d'Etienne Carjat sont empreints d'une puissante vérité d'expression, parfois même dramatique. Peut-être, le bonhomme Nadar conditionnait-il au mieux ses illustres clients, en vue de leur satisfaction, tandis que Carjat, écrasé par la gloire de son collègue ne fut-il véritablement apprécié que par les connaisseurs.
Une explosion de talents devait dès lors consacrer les pionniers du portrait photographique. La photographie enfin se démocratise. On s'installe pour la pose comme devant le chevalet du peintre. Disderi vous fait des cartes de visite. Margaret Cameron vous auréole de lumière. Lewis Carroll rêve d'Alice au pays des Merveilles. Durieux "ébauche" des photos de nus alanguis pour Delacroix, Corot et Millet. Salomon prépare son image comme un peintre. Steichen s'entoure d'élégance: il côtoie la vie brillante, aime la mode, fait entrer le portrait d'art photographique au Musée d'Art Moderne de New York.Man Ray ordonne de savantes compositions qui suggèrent une idée nouvelle: la puissance de son talent fait école; il est l'un des maîtres de la photographie de portrait avec Brassaïqui s'émeut de vérité, dans un style très différent. Cecil Beaton aime le sophistiqué; ses personnages sont empreints de distinction; le cadrage est recherché. Irving Penn, lui, nous vaudra la plus extraordinaire collection de tableaux vivants inimitables. Une grosse boîte, un trépied, une photo d'enfant de six ans grimpé sur un tabouret: en 1902, Jacques Henry Lartigue fait ses premières armes. C'est le début d'une impressionnante carrière; soixante-dix ans de photographie; des milliers de documents parmi lesquels des collections uniques d'images de la belle époque et des années folles, jusqu'aux jours du 21eme siècle.
Déjà, la photographie en couleurs connait une certaine vogue avec l'apparition des autochromes Lumière; ces plaques de verre contenant de minuscules paillettes colorées ne permettant pas encore l'instantané; elles ont cependant conservé tout le charme vieillot de leur époque.
Retenir le temps de la joie, le temps de la beauté, le temps d'une amitié, le temps qui passe, même amer, à travers tous les visages, c'est bien sûr un rêve insensé mais c'est le vrai miracle de la photographie.