Le nu masculin n'est pas seulement affaire de photographes en marge. La section "photos hommes" est une discipline exigeante qui relève d'un académisme dont ne fait pas toujours preuve le nu féminin.
Cet art limite est parfois exercé par des photographes plus généralistes, et pratiquant avec beaucoup de réussite les photographies artistiques.
Narcissisme à la portée de tous
Souvent le rôle de la photo d'art est de montrer une image de l'homme dans sa simple vie quotidienne, dans la réalité la plus nue, de fixer des scènes dont chacun de nous est le témoin aveugle, mais que l'oeil de l'artiste sait isoler et mettre en scène afin d'en faire une image qui se lit comme un roman.
Les photographes en renom sont souvent appelés à photographier des personnalités du monde des arts dans leur environnement familier, pour les besoins de la presse, afin de satisfaire aux relations publiques de leurs illustres modèles masculins ou féminin.
Or, on pourrait à juste titre imaginer que rien n'est plus tentant pour un photographe, à l'occasion de telles commandes, que de chercher à saisir la personnalité de ces artistes peintres, sculpteurs ou hommes de lettres, puisqu'étant eux-mêmes des créateurs, ceux-ci devraient être des modèles idéals.
Certes ! Toutefois le jeu se révèle à l'usage moins simple qu'il n'y paraît à première vue, pour plusieurs raisons. Préalablement, il faut comprendre que photographe et modèle sont, dans le cas présent, deux personnalités du même bord et parfois de même force qui s'affrontent. Le jeu devient une bataille hautement intellectuelle.
Autre ambiguité du jeu : le photographe, tout en souhaitant de bonne foi réaliser une image conforme à la profonde réalité de son modèle homme ou femme, nu ou pas, ne pourra éviter d'y ajouter inconsciemment, serait-ce au moyen du décor, des traits de son style, c'est à dire de sa propre personnalité.
Parmi tous les homme publics, les politiciens sont certainement les plus visés par l'objectif et la photographie est considérée par eux comme la langue d'Esope, capable du meilleur et du pire. Car l'homme politique plus que tout autre veut être photogénique : il connaît, en effet, l'attrait sur le public d'une silhouette ou d'un visage agréable. Il sait que la photogénie pèse son poids dans certaines circonstances, par exemple, lors des campagnes électorales.
Ne voit-on pas de temps en temps, des acteurs de la télévision ou du cinéma portés par leurs électeurs, et plus certainement par leurs électrices, jusqu'au poste convoité ? Aussi l'importance de l'enjeu explique-t-elle l'exigence du modèle à l'égard du photographe.
"Il attendait de moi, raconte Man Raydans "Autoportrait", (...) que je fasse ressortir son intelligence, son autorité et un certain degré d'attrait sexuel. Chaque sujet avait sa propre conception de cet attribut, ce qui ne facilitait pas ma tâche".
Pour se faire comprendre, la photographie artistique a besoin de mots. Or, bien que le photographe lui-même soit le plus qualifié pour lui adjoindre une légende, c'est généralement une autre personne qui est chargée de cette tâche. Par ignorance, ou par malice, ce rédacteur peut faire mentir la photographie, par exemple en interprétant, dans un bon ou mauvais sens, l'expression d'un visage ou d'une attitude, ou bien en l'incorporant dans un photo-montage sans pour autant avoir su faire apparaître la personnalité dans toute sa nudité.
C'est tout l'immense problème de l'exploitation de la photographie que nous abordons là et nous sortons de notre domaine. Mais c'est dire la fragilité de la perception de l'image photographique de l'homme !
Il arrive, d'autre part, que l'événement soit plus ou moins artificiellement créé, à l'insu des photographes. C'est une variante de ce que les historiens nomment un "pseudo-événement".
L'arrivée inopinée du petit John Kennedy sur la terrasse d'où le président des Etats-Unis adresse une allocution à ses visiteurs était-elle vraiment fortuite ?
C'est que le président, qui avait le sens de la publicité, n'ignorait pas que son image de marque politique tirait grand profit d'une réputation de bon père de famille auprès du public américain. De même, les collections de photos de presse consacrées à Jacqueline Kennedy dans son rôle de Madame la présidente, la réprésentait toujours et où qu'elle se trouvât sur le globe, entourée d'enfants de couleur chaque fois que l'occasion se présentait. L'influence de telles images sur l'opinion américaine et mondiale était évidente.
Et ce n'est là qu'un exemple de l'utilisation de la photographie d'enfants dans le but de favoriser une carrière.