La photo reflète la réalité et le monde qui nous entoure avec exactitude, c'est que nous rabachons sans cesse. La photographie est aussi un moyen de transcender la réalité, de donner une autre dimension aux images.
Certains artistes se servent de la photographie pour créer des photos d'art et des oeuvres d'art dignes de toiles de maitres et d'être exposées dans des galeries d'art.
Le choc de l'image photographique et de la photographie d'art
On a coutume de dire que l'image photographique est une des caractéristiques de notre civilisation.
Certes ! Mais pouquoi ? Pour quelle raison a-t-on besoin de sa ration quotidienne d'images photographiques ? Pourquoi se jette-t-on sur celles que publient journeaux et revues, que diffusent cinéma, télévision et internet ? Et pourquoi aime-t-on photographier les siens et perpétuer sa propre image - du moins l'image que l'on se fait de soi-même ? Nous pourrions infiniment multiplier ces "pourquoi" ? Quant aux réponses, chacun souhaiterait en apporter une, qui, cela va de soi, serait la meilleure : photographes, journalistes, historiens, sociologues, psychologues, psychiatres, artistes photographes...
Nous prendrions volontiers le parti de soutenir l'argumentation suivante : si nous aimons tant les images photographiques, si l'achat de photo d'art est si important, c'est parce qu'elles jouent de nos sensations, par leur réalisme et leur crédibilité, beaucoup plus que tous les autres arts de représentation. Nous irons jusqu'à dire : parce qu'elles heurtent et exaspèrent cette sensibilité d'hommes blasés et durs que nous sommes devenus (la photo n'étant probablement pas étrangère à cette transformation).
Exemple, la guerre. Nos aïeux étaient certainement très émus devant les gravures de Jacques Callot représentant "les misères de la guerre". Les atroces fusillades de Goya devaient les faire frémir. "Le massacre de la rue Transnonain" par Daumier, nous le savons, les avaient révoltés au sens propre du mot. En contemplant la "Charge des cuirassiers de Reichshoffen", nos grands-parents croyaient entendre le galop assourdissant des chevaux, tant ces scènes étaient réalistes. Or, en fait de réalisme, que valent aujourd'hui ces dessins et ces peintures de guerre comparés aux photos noir et blanc insoutenables que nous ont rapportées les reporters et photo-journalistes ces dernières années du Congo, du Vietnam, de l'Afghanistan, de l'Irak, de la Lybie, de la Syrie et d'ailleurs les Claude Sauvageot, les Larry Burrows, les David Douglas Duncan, les Lucas Mebrouk Dolega, les Rémi Ochlik et leurs camarades correspondants de guerre, et que chacun a pu voir dans les magazines et les expositions ?
Jamais aucune peinture de guerre, si "réaliste" fût-elle ne recèlera la terrible charge émotionnelle de telle photo, parue dans Life 1969, représentant une jeune Vietnamienne hurlant de douleur sur le cadavre de son mari empaqueté dans du plastique et dûment étiqueté pour identification.
Nous pourrions poursuivre avec un autre exemple ; celui de la photo de nu et de charme artistique. Qu'y a-t-il de comparable aujourd'hui sur le plan du choc proprement viscéral entre le nu tel qu'on peut le voir au musée, dans l'art contemporain, dessiné, peint ou sculpté, quel que soit le degré des intetions suggestives de l'artiste, avec le nu traduit par les artistes photographes (et les cinéastes) contemporains, qui ne nous épargnent rien, que le modèle photo appartienne à l'un ou l'autre sexe. Et le choc est encore plus violent sur le public lorsque le personnage représenté comme Dieu l'a créé est une personnalité connue.
C'est que la spontanéité de la photographie est incomparable - elle l'est davantage encore lorsqu'elle s'anime ; elle sait se dépouiller quand elle le veut, de toute espèce d'artifices intellectuels qui sont l'essence même de ce que nous nommerons l'art figuratif. La photographie peut être en prise directe sur la réalité. Mais elle peut aussi ruser avec elle, et créer une réalité truquée.
C'est justement en raison de ses immenses talents que la photo est constamment utilisée, voire manipulée, à des fins très précises, comme un outil ou comme une arme par ceux qui n'ignorent rien de son étonnant pouvoir.